Le général Desaix

Louis-Charles-Antoine des Aix, chevalier de Veygoux dit Desaix, naquit au château d’Ayat près de Riom dans le Puy-de-Dôme le 17 août 1768. Par sa mère, cousin germain du général Beaufranchet d’Ayat.

Desaix 11

Desaix 4Admis à l’École royale militaire d’Effiat (octobre 1776), 3ème sous-lieutenant en pied sans appointements au régiment ci-devant de Bretagne (1783), qui deviendra le 46ème d’infanterie. Sous-lieutenant appointé (juillet 1784), en garnison à Strasbourg, il refusa de suivre son frère aîné dans l’émigration ce qui le brouilla avec sa famille (avril 1791). Lieutenant (24 novembre), il fut commissaire des guerres à Clermont-Ferrand (décembre) et prêta le serment (janvier 1792). N’ayant pas l’âge requis pour son poste, il le quitta et passa comme lieutenant au 46ème d’infanterie (mai 1792). Il servit à l’armée du Rhin de 1792 à 1797. Aide de camp du général Victor de Broglie (juin), il vit le feu lors d’une reconnaissance en avant de Landau où les Français durent reculer, mais il fit un prisonnier (12 août). Il refusa de prêter le serment (15 août), ne fut pas suspendu mais fut arrêté à la Chapelle-aux-Bois dans les Vosges (8 septembre) et enfermé à Épinal. Bouvier raconte une anecdote à son propos :

« Le 9 septembre, à 4 heures du matin, les gardes nationaux de La Chapelle réveillaient Poullain-Grandprey et lui annonçaient qu’ils avaient arrêté la veille au soir un particulier monté sur un cheval à poil roux et disant se nommer Louis Veygoux et être aide de camp de Victor Broglie. Les officiers municipaux l’avaient interrogé, puis arrêté, et avaient chargé la garde nationale de l’amener à Epinal avec le procès-verbal de son arrestation et plusieurs lettres cachetées sans adresse qu’il portait sur lui. Le maire Peureux, et le commandant de la Garde nationale également un Peureux, ainsi que le procureur de la commune, avaient pris peur et l’accompagnaient. C’était un jeune homme au visage rond, le teint coloré, les yeux gris, les cheveux noirs, le nez aquilin, haut de 5 pieds 5 pouces. Le procureur-général-syndic fit de suite convoquer le conseil général pour 5 heures du matin, afin de procéder à l’interrogatoire du prisonnier qui ne paraissait pas se troubler outre mesure des soupçons dont il était l’objet. On fit retirer le public et les gardes nationaux pour l’interroger à huit-clos. Aux questions du président, il répondit avec beaucoup de franchise qu’il se nommait Louis des Aix de Veygoux, âgé de 25 ans, aide de camp du général Broglie et auparavant capitaine au 46e régiment d’infanterie ci-devant Bretagne. Il raconta alors que parti de Colmar, le 5 août, il se rendait à Bourbonne-les-Bains pour joindre son général et prendre lui-même les eaux pour un mal dont il souffrait au genou. On lui demanda ce qu’il avait fait pendant ce voyage et à qui il avait parlé. Il avait couché le 5 dans une auberge à Orbey. Le 7, il avait dîné à Lettraye, près de Ramonchamp et couché à Remiremont à l’auberge de l’Arbre d’Or. Le 8, il avait dîné à Plombières, à l’auberge de l’Ours, d’où, il était parti à trois heures, puis il avait été arrêté à La Chapelle à 7 heures du soir. A Remiremont, il avait parlé à des gardes nationaux qui escortaient 25 déserteurs d’un bataillon de la Haute-Saône, puis avait fait route avec eux jusqu’à Plombières où ils avaient dîné ensemble. A Plombières, il n’avait causé qu’à un de ses anciens camarades du régiment, Pelgard, aujourd’hui capitaine au 47e régiment ci devant de Lorraine, qui prenait les eaux et qui avait dû en partir le lendemain. La netteté de ces réponses et l’attitude simple et franche de Desaix auraient convaincu ses interrogateurs à d’autres époques. Mais le malheur voulait que son général, Victor Broglie, avait été quelques jours auparavant destitué de ses fonctions par Carnot, pour avoir refusé de prêter le serment après le 10 août, et que la plupart des officiers de son état-major, parmi lesquels Caffarelli et Rouget de Lisle l’avaient imité. Or parmi les lettres saisies sur Desaix, il s’en trouvait pour Caffarelli-Dufalga et pour le lieutenant Briche, du 21e, qui était également suspect. Il avait beau affirmer que les deux paquets de lettres lui avaient été remis par Gonat valet de chambre de Victor Broglie resté à Strasbourg et qu’il ne savait pas ce qu’ils contenaient, on n’en crut rien. Il déclarait savoir seulement qu’il y avait une lettre du général Biron, une du général Lamorlière et qu’il se souvenait pas du nom des autres personnes. L’affaire ne parut pas claire au conseil général, et après avoir félicité de leur zèle les gardes nationaux de La Chapelle, il décida que Veygoux, serait mis provisoirement en état d’arrestation, sous la sauvegarde de la municipalité et de la garde nationale d’Épinal. Quelques heures après, on faisait subir à Desaix en présence de toutes les autorités. On ouvrait les lettres saisies sur lui, sauf celle contre-signée par le général Biron, et un paquet de neuf imprimés. Lecture était donnée de ces lettres, toutes adressées à Victor Broglie, le renseignant sur l’attitude du roi et l’esprit politique de l’Alsace. Plusieurs étaient d’une femme, elles sont assez curieuses, il est facile d’y deviner tout un petit roman d’amour se mêlant à ces dramatiques événements. Aucune n’avait de gravité, sauf une peut-être qui portait pour suscription « à notre maître », et où l’auteur se plaignait amèrement du 10 août. Poullain-Grandprey y vit cependant des conseils perfides et des projets d’émigration, sans apercevoir néanmoins des indices de trahison. Il fit décider que les lettres et procès-verbaux seraient adressés à l’Assemblée nationale qui statuerait et qu’en attendant sa décision Desaix de Veygoux serait maintenu en état d’arrestation. Il s’était quelque peu troublé d’ailleurs à l’ouverture des lettres, soit qu’il en ignorât le contenu et qu’il redoutât de voir surprendre quelque secret, soit parce qu’il connaissait l’existence des lettres de la jeune femme dont nous avons parlé. Il était visible du reste que Victor Broglie et ceux de ses officiers qui partageaient ses sentiments préparaient quelque mouvement d’opinion en Alsace, et la meilleure preuve, c’est que Broglie était alors candidat la Convention dans le Bas-Rhin et y obtint un certain nombre de voix. Mais de là à la trahison, il y a loin et les nobles paroles prononcées plus tard par le général Victor Broglie lorsqu’il monta sur l’échafaud, attestent ses sentiments patriotiques et libéraux. Le directoire des Vosges requit toutefois le district de Bourbonne de s’emparer de Broglie et transmit copie de ses délibérations au conseil général du Bas-Rhin. Quand cet ordre arriva, Broglie était arrêté depuis la veille et transféré à Langres. Enfin le 15 octobre, le comité de sûreté générale de la Convention ordonna la mise en liberté de Victor Broglie. Comme aucun fait n’était venu corroborer les soupçons élevés contre Desaix et que son général était déclaré indemne, le conseil général des Vosges prononça aussi, à l’unanimité, le 25 octobre, la mise en liberté de Veygoux. Il avait subi six semaines de détention1 ».

Desaix 5Remis en liberté (25 octobre), il fut adjoint à l’État-major de l’armée du Rhin (novembre), chargé de la défense de Worms (janvier 1793), il protégea la retraite de Custine à l’affaire de Rülzheim (17 mai). Chef de bataillon (20 mai), il eut les deux joues traversées par une balle dans un combat en avant de Lauterbourg et fut nommé sur le champ de bataille général de brigade par les représentants du Peuple (20 août). Il chassa les Autrichiens du bois de Bienwald (14 septembre), employé à la division Dubois. Il battit en retraite sur les lignes de Wissembourg et rejoignit l’armée à Reichstett, nommé général de division et commandant de l’avant-garde (20 octobre). Suspendu par le ministre Bouchotte comme parent d’émigrés (13 novembre), il resta à son poste, fut contusionné lors du combat de Bertsteim (2 décembre) et s’empara de Lauterbourg (27 décembre). Commandant la droite de l’armée du Rhin sous Michaud (1794). Il fut attaqué par les Autrichiens près de Schifferstadt mais les repoussa (23 mai) et fut vainqueur au combat de Weistheim (19 juin). Il dut toutefois battre en retraite à la suite de la panique de ses troupes à Schweigenheim (2 juillet), mais recommença son attaque avec plus de succès (13 juillet). Il s’empara de Franckental (8 octobre), l’évacua le 12, l’occupa de nouveau ainsi que Grünstadt le 15 et entra dans Alzey et Oppenheim (22 octobre). Il chassa les Autrichiens de Weisenau près de Mayence (12 novembre) et campa devant cette ville durant l’hiver 1794-1795.

Desaix 9Envoyé dans le Haut-Rhin entre Brisach et Bâle (juin 1795), il empêcha durant trois mois, Wurmser de franchir le Rhin et de pénétrer en Alsace. Commandant de la 7ème division de l’armée du Rhin (septembre), il défendit le pont de Mannheim mais dut battre en retraite (18 et 19 octobre). Commandant la 1ère division de l’avant-garde de l’armée de Rhin et Moselle (novembre), il résista à l’armée autrichienne sur les lignes de la Pfrimm puis se retira sur Landau (10 novembre). Commandant par intérim l’armée du 5 mars au 20 avril 1796, il commanda le Centre sous Moreau et dirigea l’attaque sur le Rehebach, repoussant la cavalerie ennemie dans la plaine de Mutterstadt (14 juin). Il franchit le Rhin à une heure et demie du matin, s’empara du fort de Kehl vers midi (24 juin). Il décida de la victoire de Renchen (28 juin) et prit part aux batailles de Rastadt (5 juillet), d’Ettinghen (9 juillet), refoulant les Autrichiens près d’Aalen (3 août). Il servit à la bataille de Neresheim (11 août), vainqueur du combat de Geisenfeld (1er septembre). Détaché à Nuremberg (8 septembre), il reçut l’ordre de rétrograder et repassa le Danube, rejoignant le gros des troupes françaises (16 septembre). Il décida de la victoire de Biberach (2 octobre) et prit part au combat d’Emmendigen (19 octobre). Il passa le Rhin à Vieux-Brisach dans la nuit du 20 au 21 octobre et fut chargé de défendre Kehl. Il échoua dans une attaque où il fut contusionné (22 novembre) et dut évacuer le fort (10 janvier), suite à une convention signée avec les Autrichiens.

Desaix 7

Commandant par intérim l’armée du Rhin en l’absence de Moreau du 31 janvier au 19 avrilembarquement à Toulon campagne d'Orient1797. Commandant le centre de l’armée du Rhin (19 avril), il repassa le Rhin à Diersheim et fut atteint d’une balle à la cuisse en chargeant à la tête de ses troupes (20 avril 1797). Transporté à Strasbourg, il dut se reposer et son rétablissement acquis, il fut dirigé (19 juillet) à l’armée d’Italie du général Bonaparte. Il arriva à Milan (28 juillet), visita les champs de bataille, assista aux conférences d’Udine et fut chargé d’une mission en Allemagne (septembre). Commandant l’aile droite de l’armée d’Allemagne (octobre), il passa à l’armée d’Angleterre comme commandant provisoire de l’armée (26 octobre), il fut envoyé à Rennes. Il visita les ports de l’Océan, notamment Brest. Il passa le commandement à Kilmaine (27 mars), rejoignit Rome puis Civita Vecchia où il s’embarqua sur la Frégate La Courageuse (26 mai 1798), armée d’Orient. Il parvint à Malte (8 juin), rejoignit la flotte de Toulon le 9 et dirigea l’attaque du fort de Marsa-Sirocco (10 juin). Il resta quelques jours à Malte et rattrapa la flotte devant Candie, formant l’avant-garde du débarquement. Vainqueur à Ramanieh (12 juillet), il se signala à Chebreiss (13 juillet), aux Pyramides (21 juillet). Commandant la province du Caire (7 août), il s’embarqua à Boulaq pour aller conquérir la Haute-Égypte (25 août).

Desaix 18Il remonta le Nil, s’arrêta non loin des ruines d’Héraclée (31 août) et battit les Mameloucks à Behneceh (3 septembre). Il battit ensuite Mourad Bey à Sediman (7 octobre), frappé de cécité momentanée à cause du soleil ardent du désert, il revînt au Caire et rentra ensuite en Haute-Égypte. Il atteignit Beni-Souef (16 décembre), battit Mourad Bey une seconde fois à Samanhout (22 janvier 1799). Il visita Denderah (24 janvier), Thèbes (25 janvier) et arriva en face d’Assouan (1er février). Il redescendit encore le Nil, toujours plus loin, et rattrapa Mourad Bey (5 mars), le forçant à se retirer dans le désert de Libye. Il soumit tout le pays, battit à nouveau les Mameloucks (2 avril) et se montra si bon et si paternel avec les populations qu’il fut bientôt surnommé par les habitants, le « Sultan Juste ». Il reçut de Bonaparte un sabre avec ces mots gravés dessus : « Conquête de la Haute-Égypte ». Bonaparte l’informa de son départ pour la France (24 août) et fut invité à le rejoindre. Il n’en reçut l’ordre que le 2 septembre, alors qu’il se trouvait dans la vallée des tombeaux à Thèbes. Il battit encore Mourad Bey à Sediman (9 octobre) et fut appelé par Kléber atteignant le Caire (16 octobre). Il discuta avec Sidney Smith les conditions de l’évacuation de l’Égypte et signa à regret la Convention d’El Arisch (24 janvier 1800). Rentra au camp de Salahieh (1er février), il obtînt la permission de Kléber de rentrer en France et quitta le Caire, gagna Alexandrie (21 février), s’embarqua sur un bâtiment ragusain (4 mars), arriva en vue des îles d’Hyères au début d’avril et fut pris par la frégate anglaise La Dorothée et conduit à Livourne où malgré les sauf-conduits de Sydney Smith il fut enfermé dans le lazaret et traité ainsi que ses compagnons en prisonniers de guerre par l’amiral Keith. Relâché (29 avril), il arriva à Toulon (5 mai), subit une quarantaine de 30 jours et partit rejoindre le Premier Consul en Italie.

Desaix

Il atteignit le Quartier-général (11 juin) et fut placé par Bonaparte à la tête des divisions Boudet etDesaix 17 Monnier. Il était en route pour Novi depuis la soirée du 13 juin, lorsqu’il entendit le bruit du canon et modifia son itinéraire pour marcher à l’ennemi. A marche forcée, il atteignit le champ de bataille de Marengo (14 juin) à 3 heures de l’après-midi au moment où les Français se retiraient devant les autrichiens victorieux. Bonaparte reprit l’offensive avec les forces de Desaix, il fut frappé au tout début de l’attaque par une balle en plein cœur. Le 24 juin un arrêté décida que le nom de Desaix serait inscrit sur une colonne nationale et qu’une médaille serait frappée en son honneur. Le 27 juin, il fut décidé que son corps serait transporté au couvent du Grand Saint-Bernard où un tombeau lui serait érigé. Le 20 juillet, il fut accordé à sa mère, âgé de 66 ans, une pension annuelle de 3 000 francs qui fut reversée après sa mort à sa sœur, par arrêté du 14 septembre 1802. Un monument fut élevé à la mémoire de Desaix sur la place Dauphine au moyen d’une souscription nationale.

sehri

1 Félix Bouvier, Les Vosges pendant la Révolution, pages 170 à 173.

Laisser un commentaire