Garde nationale de Clermont-Ferrand, 1789-1792

Naissance de la garde nationale, juillet 1789. À Clermont-Ferrand, la garde bourgeoise, future Garde nationale, fut organisée officiellement le 21 juillet 1789, forte de 1200 hommes (3 000 s’étaient portés volontaires, soit un dixième de la population) armés avec le soutien de l’intendant Chazerat et l’aide financière des communautés religieuses. Le soutien des Clermontois semblait acquis : « une foule incroyable de citoyens de tous les ordres, portant tous des cocardes, étoient spectateurs », prêts à s’exclamer « Vive la Nation ! Vive le Roi ! » Avant, vers neuf heures du soir, d’illuminer leurs maisons. Elle défila dans un parcours civique de la nouvelle garde, qui à l’intérieur de la cité fit une halte et rendit les honneurs militaires devant la maison du député aux États-Généraux Gaultier de Biauzat, pourtant opposé à la formation de gardes citoyennes par crainte sociale. Mais il n’avait été admis dans la garde que des citoyens résidents et propriétaires. La direction de l’état-major de la Garde nationale fut attribuée à un noble, militaire de carrière : le comte Jean-Pierre-François de Chazot, jusqu’alors colonel du bataillon des chasseurs à pied d’Auvergne, eu égard à « son zèle patriotique et sa noble et ferme intention de contribuer à la félicité commune, son admirable empressement à se ranger sous l’étendard de la liberté et à arborer la cocarde nationale (sic) »

Le 6 septembre, Chazot prêta serment avec ses subordonnés, à la tête des gardes de tout le district, dont seuls les membres clermontois étaient pourvus d’un uniforme. Il y avait aussi attaché à la Garde de « jeunes patriotes ». il fut édicté en octobre 1790 un glement pour la formation et l’organisation de deux compagnies de jeunes citoyens en la ville de Clermont. Il prévoyait que chacune des compagnies comprendrait progressivement vingt-huit, trente-six, quarante-quatre ou soixante enfants, de huit à dix-huit ans. Un acte de baptême et l’autorisation des parents étaient nécessaires pour s’inscrire. On appartenait soit à la « compagnie majeure », soit à la « compagnie mineure ». Les petits gardes nationaux furent nommés à leurs postes par les officiers municipaux et de Chazot. Dimanches et jours de fête, ils durent monter la garde devant la maison commune. En janvier 1791, les jeunes de Clermont-Ferrand firent un « hommage de leurs drapeaux à la Société des Amis de la Constitution séante aux Jacobins, mettant l’étendard de la liberté sous la sauvegarde du patriotisme ».

Le dimanche 6 décembre 1789, le chanoine Pascal-Antoine Grimaud fut chargé de la bénédiction des drapeaux de la garde, qui avaient été brodés par les bénédictines de Clermont-Ferrand. Avant d’être bénis, ceux-ci furent décrits pour que chacun des citoyens présents (et en armes) en mesure la valeur : « l’esprit qui anime cette milice citoyenne se peint dans les drapeaux d’or et de soie », il représente « le flexible rameau d’olivier, symbole de la paix, entrelacé avec l’énergique et modeste emblème de la force défensive, au lieu de ces palmes trop vantées, que la crainte et l’adulation vont cueillir dans des champs sillonnés par la guerre, arrosés par le sang, pour en couronner les têtes altières des ravageurs du monde, des destructeurs de l’espèce humaine ».

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La Garde nationale et les tentations de son chef, 1790. Les officiers notables de la Garde nationale, nommés pour un an, cherchent à se rendre en fait inamovibles et à contrôler le reste du département. Dès avril 1790, on mit sur pied un comité militaire qui perdurera jusque dans les premiers mois de 1791 ; il rassembla les officiers municipaux et l’état-major de la Garde nationale.
L’organisation clermontoise servit de modèle dans le département, les demandes d’affiliation à la garde nationale du chef-lieu de département se poursuivirent jusqu’en mars 1790. Proposée le 6 janvier 1790 à l’assemblée des citoyens de Clermont-Ferrand, une fédération régionale fut organisée les 15, 16 et 17 mai 1790 dans la ville, qui affirma ainsi son rôle central. Elle réunit en l’église des Cordeliers les gardes du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire et de Limoges, sous la présidence de Chazot, soit 215 délégués représentant 60 000 gardes nationaux. Les participants envoyèrent une adresse à l’Assemblée nationale, au roi et à La Fayette : le personnage emblématique pour les Gardes Nationales du royaume dont Chazot était un proche. Chazot tenta de se faire proclamer « général des gardes nationales confédérées » ou « président de la fédération » ou de « commissaire général de la fédération », avant d’imaginer l’érection d’un « Comité fédératif central ». Plusieurs délégués refusèrent ces propositions qui auraient instaurées une mainmise sur la région.Vînt ensuite la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, célébrée localement comme à Paris. Chazot, de retour de Paris, en profita pour se faire acclamer. Mais des dissensions politiques apparurent au sein des clubs patriotiques locaux, des dénonciations sur sa tendance au césarisme furent publiées, qui entamèrent ses possibilités de s’imposer comme indispensable, tandis que l’étoile de Lafayette pâlissait. Chazot finit par rejoindre l’armée de Lafayette, rappelé aux affaire militaires en 1792. Lafayette ne devait pas tarder à passer à l’ennemi, suite aux événements du 10 août et la prise du château des Tuileries qui sonnait le glas du roi Louis XVI. Chazot quant à lui servit durant la bataille perdue des défilés de l’Argonne, impuissant à endiguer la panique et la déroute.

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Tenues de la Garde nationale de Clermont-Ferrand en 17901.


La Garde nationale de Clermont-Ferrand comptait un état-major et trois bataillons.

État-major : un colonel, deux aides de camp, un major, un aide-major, trois commandants de bataillon, trois porte-drapeaux, un lieutenant trésorier, trois chirurgiens, un aumônier, trois adjudants.

Les trois bataillons avaient chacun 5 compagnies commandées chacune par un capitaine, deux lieutenants et un sous -lieutenant. La 5e compagnie du 3e bataillon était une compagnie de canonniers.

Uniforme 1789-1790 : de drap bleu de roi fermant droit sur le devant, collet, parements , doublure et retroussis cramoisis passepoilés bleu de roi, et passepoil cramoisi sur le devant. Fleurs de lys bleu aux retroussis. Boutons blancs empreint des armes de la ville avec autour la devise NOBLISSIMA AVERNA CIVITAS. Chapeau noir, cocarde nationale, gilet et culotte blancs. Marques distinctives de grades en argent selon l’ordonnance militaire.

drapeau de la garde nationale de Clermont-Ferrand

Le drapeau du 1er bataillon est entièrement blanc orné des armes de la ville avec une branche de chêne d’un côté représentant la force et de l’autre une branche d’olivier, représentant la paix.

Jean-Pierre-François de Chazot, naquit à Caen en 1739, il servit dans le régiment ci-devant de la Reine (1753), il servit durant la guerre de Sept Ans, puis dans les dragons comme capitaine (1765), dans les chasseurs à cheval, lieutenant-colonel (1784), et enfin aux chasseurs à pied. Colonel (1788), maréchal de camp (26 mai 1790), le seul des généraux du moment qui demanda la République après le 20 juin (1792), lieutenant-général (7 septembre 1792), combattit dans la bataille perdue des défilés de l’Argonne ou sa division fut en grand danger et quasiment dispersée, il s’attira la haine de Marat qui s’acharna sur lui dans l’affaire du bataillon de Mauconseil, cessa d’être employé en 1793, il fut arrêté et emprisonné pendant deux mois, arrêté à Sedan (8 avril), suspendu comme noble (1er juin), acquitté par le Tribunal révolutionnaire (19 juin), il préféra se retirer à Clermont-Ferrand, la lame de la guillotine n’était pas passée loin. Il fut réintégré dans son grade mais peina à être admis à la retraite (15 octobre 1795). Il mourut obscurément, le 19 octobre 1797, à Mutrécy.

Article de Didier Davin, légèrement augmenté par Laurent Brayard, iconographie de Didier Davin.

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1 D’après État Militaire des gardes nationales de France en 1790.